La construction d'un diaporama selon Jean Bourguedieu
Le diaporama est un mode d’expression audiovisuel. Il est à base d’images fixes : le visuel, alors que la parole est un mode d’expression audio (sauf si on est un peu italien ou méridional sur les bords parce qu’alors on l’accompagne de gestes et là c’est de l’audio-visuel). La personne qui parle avec ses mains fait de l’audiovisuel sans s’en rendre compte.
Le cinéma est également audiovisuel comme la télévision. Ils utilisent des images mobiles. Des mauvaises langues prétendent que le diaporama est le parent pauvre du cinéma. Ce n’est pas exact. Il utilise des images fixes, c’est l’imagination qui suggère le mouvement. Ne perdez pas ça de vue.
Le diaporama est un moyen d’expression, c’est-à-dire de communication. Vous savez quelque chose, vous voulez le communiquer à quelqu’un. Il faut que votre voix soit suffisamment éloquente pour que le receveur puisse en capter au moins 90 %. Si c’est à 100 % c’est que le moyen de communication est parfait. Si celui qui regarde et écoute un diaporama a complètement compris ce que vous voulez dire, c’est un bon diaporama.
Les composants :
L’image
C’est ce que l’on voit.
Le son :
C’est ce que l’on entend.
Il y a une troisième pilier, ce que vous avez à dire : c’est l’idée . « Si tu n’as rien à dire, tu fermes ta gueule. »
Résumons :
Les trois piliers du diaporama sont : l’image, le son, l’idée.
Ce que l’on voit, ce que l’on entend et ce que l’on comprend. C’est très simple, mais c’est important. Si l’un des piliers est trop faible ou s’il a tendance à fléchir, votre diaporama ne va pas tenir. Il ne faut pas donner une primauté trop forte à l’un des piliers au détriment des autres. Si vous en forcez un, il va falloir forcer les autres aussi.
Il y a deux piliers qui sont étroitement liés : c’est l’image et le son. Il faut qu’il y ait une certaine complicité entre eux. Si vous en favorisez un, ça sera au détriment de l’autre. Ça va boiter. Si vous avez de très belles images et un mauvais texte, les gens vont avoir tendance à regarder et à ne pas écouter. Et de même que si vous avez des images moyennes mais si vous avez une chose très intéressante à dire et une musique merveilleuse, les gens vont fermer les yeux.
Attention ! une de ces deux facultés est privilégiée, c’est l’ouïe. En effet, on peut fermer les yeux, on ne peut pas fermer les oreilles. Alors méfiez vous des mauvais sons et des mauvaises paroles qui foutent tout en l’air.
Ce que l’on voit et ce que l’on entend doivent être parfaitement équilibrés. Il ne faut pas donner la préférence ni à l’un ni à l’autre sinon votre diaporama boitera.
Le plan :
Dans toute bonne construction, il faut un plan. Déterminer la catégorie du diaporama, pour définir une méthode de construction. Une chaise ne se construit pas de la même manière qu’une porte ou qu’une fenêtre.
Les catégories ont été inventées par les organisateurs de festivals et concours. Ce sont des endroits où les diaporamistes se rencontrent, se confrontent pour savoir où ils en sont. Ils veulent montrer les leurs pour voir comment ils seront accueillis. Pour bien gérer tout ça, les organisateurs ont besoin de catégories dans lesquelles ils rangent les diaporamas qu’ils reçoivent.
Il y a la catégorie tourisme ou voyage qui est la plus nombreuse : on a fait un voyage, on ramène des images, on fait un diaporama. C’est la grande catégorie.
Puis il y a les documentaires genre de compte-rendu sur un fait, un objet, un personnage, etc.
La catégorie « Actualité ». Un événement s’est produit. Vous étiez là, vous y avez assisté, vous avez même pu faire des photos ou vous avez entendu des réflexions. Vous avez eu la chance d’enregistrer du son. Vous dites sur cet événement-là je vais pouvoir faire un diaporama.
Ensuite, il y a le conte : anecdote, nouvelle, histoire brève, etc.
Après vous avez la chanson. Écrire un texte, n’est pas à la portée de tous. Alors on cherche un texte tout écrit. Si on veut la musique avec, une musique très bien interprétée, on utilise une chanson : Vous avez entendu une belle chanson, les paroles vous ont intéressé et il y a une belle musique, vous vous dites : « Voilà mon diaporama est aux trois quarts fait ».
Catégorie musique :
Il y a la musique toute seule. Quelquefois, les images sont tellement éloquentes qu’on n’a pas besoin de paroles, elles illustrent la musique.
Catégorie thème :
Vous choisissez, un grand thème qui vous tient à cœur. Le grand thème qui tenait à cœur à Jacques Ramadier, c’était la Liberté. Et sur un texte d’Aragon, il a fait un diaporama qui s’appelle « Liberté ». Si un jour vous le découvrez à l’affiche, n’hésitez pas à aller le voir. Sur le même thème, il y a eu d’autres diaporamas. Claude Poux a un diaporama sur la liberté à Cuba : « Esperanza ».
Il y a également la solitude : Un grand classique en diaporama : « Tout seul », de Robert Thuillier qui a remporté la coupe d’Europe quatre fois. Ce diaporama est un monument. C’est un vieillard qui soliloque, dans son lit la nuit. La télévision n’existait pas à l’époque parce qu’il ne peut pas s’endormir. Il revoit toute sa vie en images depuis sa naissance. Et c’est le drame de la solitude des personnes âgées.
Il y a « Juliette ». C’est un diaporama qu’a fait Pierre Lormier, il n’est pas encore numérisé. Quand il sera à l’affiche, voyez le, c’est un grand problème de l’humanité qu’il traite.
Autres thèmes : la misère, il y a même la sorcellerie « Le sorcier Jean-Loup » qui a été fait par Thuillier. Vous voyez, il y a beaucoup de sujets. Il y a le tabagisme qui a été fait par un Belge, Van de Weerdt « Come to my country » (1982), il avait repris une publicité sur les cigarettes Malborogh. A l’époque on ne faisait pas de campagne contre le tabagisme. En douze images, il nous écœure du tabagisme à vie.
Ensuite, il y a le célibat qui est un grand thème, il y a le naturisme . Gounelle avait fait des images dans le camp de nudistes d’Agde. Il défendait le naturisme par le diaporama.
Le caravaning a été traité par Claude Poux « Camping Paradiso ».
Il y a cependant des sujets que l’on dit réservés au cinéma et d’autres au diaporama :
Par exemple : les vingt-quatre heures du Mans, je vous conseillerai de le faire avec un camescope plutôt qu’avec un appareil photo si vous avez l’intention de le projeter sur écran. Comprenez bien que le mouvement handicape les gens qui travaillent en images fixes. Donc vous avez des sujets que l’on traite de préférence en cinéma et d’autres qu’on traitera de préférence en diaporama.
Il y a même de très bons diaporamas qui feraient des très mauvais films de cinéma.
On a bien essayé de traduire le mouvement avec le fondu enchaîné. C’est un système qui permet de passer d’une photo à une autre avec une certain souplesse et ainsi de créer une troisième image : cette troisième image dont on s’est gargarisé un certain temps. On a essayé de reconstituer le mouvement. Mais rien n’est plus fatigant que de voir un gars la jambe levée sur une image fixe. Ne cherchez pas à faire un diaporama sur une course à pied.
Toutefois le mouvement n’est pas interdit : Il y a des mouvements que vous ne pouvez pas représenter en images, mais qu’on peut évoquer. On vous expliquera comment. Vous avez le son, vous avez la musique, vous avez tout un tas de choses qui vous permettent de parfaitement suggérer le mouvement.
Dans « la Soupe », dans « le Célibat », il y a des mouvements qui sont parfaitement évoqués, la chute d’un verre sur le carreau. Je vous assure qu’on n’a pas besoin de voir le mouvement du verre pour savoir que le verre se brise.
Le diaporama est un mode d’expression à 100 % , si vous l’utilisez bien pour exprimer ce que l’on voit, ce que l’on entend et ce que l’on ressent. N’oubliez pas tout ça.
Je vais vous présenter un diaporama de voyage : « Les couleurs de la Mémoire ».
Dans le diaporama de voyage, le plan pourrait consister à raconter : « Depuis que j’ai mis les pieds sur le bateau » ou dans le train ou dans l’avion, on va commencer à faire des photos là, on en fera à l’arrivée au débarquement des bagages, on racontera que « ma femme a eu le mal de mer… » puis on arrivera jusqu’à la fin du diaporama comme ça… L’ordre chronologique dans les voyages n’est pas toujours le meilleur : Il impose une contrainte au spectateur.
Ce qui est conseillé, dans les diaporamas de tourisme, c’est un fil conducteur, une idée. Et là, l’idée qu’à eu Jean-Pierre Simon (C’est un auteur de diaporamas de Rueil-Malmaison dans la région parisienne qui a réalisé un diaporama sur le Vietnam) est une méthode très simple. On n’est pas obligé de suivre absolument l’ordre chronologique. Au départ, i suffit que vous ayez un fil conducteur.
Le fil conducteur est le peintre et ses souvenirs. Bien sûr, on aurait pu montrer Saigon avec les cyclo-pousse puis Cholon avec les marchandes de soupe. Ça grouille dans les rues. Les taxis qui klaxonnent. Ça c’est ce qu’on voit souvent sur le Vietnam. Or l’auteur a choisi un personnage qui a vécu là-bas et il nous a fait pénétrer dans le cœur du pays. Il s’est expatrié à la campagne et il a su exprimer tous ces paysages authentiques. C’est une bonne idée. Le texte est dit par la fils de Simon qui a la voix qui convient, mais la voix du peintre convient encore mieux. En plus ça ajoute une petite teinte locale qui est bonne.
Choix du fil conducteur :
Ce fil conducteur va vous guider tout au long de la construction de votre diaporama, sans perdre de vue l’équilibre qu’il y a entre ce que l’on voit et ce que l’on entend.
Il y a un autre diaporama que je présentais à l’école de photo quand je voulais leur parler du mode d’expression en diaporama sur le tourisme, c’est « Quand reste l’empreinte » qui a été réalisé par André Martin de Monaco, un ancien professeur d’histoire qui est allé au Maroc en traversant l’Espagne, il a visité le nord du Maroc, à gauche quand on arrive à Tanger cette zone qu’on appelait le Maroc Espagnol. Il y a là-bas une ville Chaouen que l’on appelle précisément la ville bleue, parce que tous les murs, toutes les fenêtres sont peintes en bleu. Et curieusement, dans un pays musulman,, il y a deux ou trois clochers, rappelant le christianisme.
Or, pour aller au Maroc, il avait traversé l’Espagne et à Grenade il avait vu, en revanche, des traces du passage des Maures puisqu’ils ont occupé pendant sept siècles le sud de l’Espagne. Il a reconnu des vestiges arabes à l’Alhambra qui marquent bien l’empreinte du passage musulman dans cette région catholique.
Et quand il est arrivé à Chaouen et qu’il a vu ces murs en bleu comme on les voit en Andalousie, il s’est dit « tiens mais je suis en Espagne ici ». Alors il a décidé d’appeler son diaporama « Quand reste l’empreinte ». Son fil conducteur, a été la trace d’une civilisation, lors de l’occupation espagnole, dans le nord marocain et en Espagne, après sept siècles d’occupation musulmane.
Eviter les redondances :
Quand vous montrez quelque chose, c’est inutile de le décrire. Quand vous dites : « au bout de l’avenue on découvre la Koutoubia qui nous amène dans les quartiers marocains » : cette phrase n’ajoute rien aux images. En revanche si vous expliquez que cette grande avenue « qui était l’ancienne avenue Mangin maintenant s’appelle Mohamed V », le spectateur pense : « mais en effet, les Français on fait du protectorat. S’ils l’appelaient Mangin qui était un officier français et que tout d’un coup ça s’est appelé Mohamed V qui était l’ancien roi du Maroc, c’est qu’il y a eu un changement. En outre, on reconnaît dans cette avenue, d’après la forme de ces bâtiments, une architecture qui se rapproche plus de l’architecture occidentale, européenne que de l’architecture marocaine, arabe que l’on va voir après : le texte complète l’image.
De même sur la Koutoubia, vous pouvez dire de quelle année elle date, que c’est la sœur jumelle de la Giralda à Séville puisque c’est le même architecte qui l’a construite. Ça, on ne le voit pas sur l’image donc vous pouvez rajouter ça dans vos commentaires.
Dans France Photographie, Bernard Sanch, quand nous avions encore nos pages ouvertes dans la revue, avait fait un très bon exposé sur la façon de réaliser des diaporamas.
Il a écrit de très bonnes choses. Par exemple, il explique qu’il ne faut pas trop décrire l’image. Il a réalisé avec Patrick Boucher un diaporama qui s’appelle « L’âge d’or » où on voit un square de style futuriste. Le texte : « Dans ce petit square, l’architecte a disposé de curieux petits blocs de plastique orange dans lesquels il a creusé des sièges en forme d’œuf ». Si vous dites ça et si on ne l’a pas remarqué, c’est que vos photos sont tellement mauvaises qu’on ne l’a pas constaté, ou alors on n’a pas fait attention. Par contre il a placé un autre texte : « Là, le sanctuaire dédié à la déesse de la fécondité, où les femmes venaient s’asseoir pour prier, elles lui demandaient de les aider à concevoir. » Cette simple phrase ouvre davantage l’imagination que l’autre texte qui est trop redondant.
Ce qu’il faut, c’est dire ce que l’on ne voit pas exactement sur l’image et, inversement, vous montrez ce que l’on ne peut pas dire. Évitez de faire des doublons, entre ce que l’on voit et ce que l’on entend. Au début, c’est la grosse faute du débutant. Il a tendance à montrer ce que l’on entend et à dire ce que l’on voit. C’est la redondance, il faut l’éviter et je n’insisterai jamais assez là-dessus.
Le Texte : Comment le rédiger ?
Il y a trois façons :
- ou bien fait maison , c’est-à-dire, vous allez vous prendre par la main et vous allez l’écrire vous-même de toute pièce.
- ou bien vous le faites sous traiter , c’est ce que je faisais quand je faisais des diaporamas, je les faisais écrire par ma femme qui a la plume plus facile que moi. Et en plus c’est elle qui allait le dire après, donc ça simplifiait les choses. Parce qu’il faut se méfier des textes écrits, et penser à celui qui va les dire. Il y a des mots qui passent difficilement. Quelquefois on a du mal à les dire. Il faudra les soumettre au récitant.
- Ou bien prendre les textes en conserve , c’est-à-dire déjà tout faits, vous pouvez trouver dans des journaux ou des livres, dans des revues, des textes intéressants. Vous les utilisez soit en totalité soit en extraits. Mais dans tous les cas, il faudra les adapter, parce qu’ils ont été écrits pour être lus, ils ne sont pas forcément bons pour être traduits en diaporamas. Un texte écrit n’a pas été conçu avec des images, il faut donc l’adapter pour qu’il soit complémentaire des images.
- Pourquoi ne pas prendre une bande toute faite avec une musique et un texte déjà enregistrés ou simplement une chanson ? Ainsi, pour débuter, Laure venait de faire un diaporama sur la pêche à la sardine au large de Sète. Très sérieux, très important, il durait 1 h 30. Projeté au club, il contenait tout ce qu’il ne fallait pas faire. Une prouesse ! C’était un bonheur, parce que jusque là on n’avait présenté que des grands classiques. Les gens badaient, puis tout d’un coup, on leur montre un diaporama qu’on pouvait démolir : Un désastre ! J’avais de la peine pour Laure parce que j’étais persuadé qu’on ne la reverrait jamais, après tout ce que les gens ont dit. Et là Laure nous a détrompés grâce à une chanson.
Pour faire le diaporama de Verdun, elle a pris un disque. Il y avait déjà beaucoup moins de défauts, elle ne l’a refait que sept fois et elle nous a fait : « J’avais un Vieux… à Verdun ».
Projection de « J’avais un vieux… à Verdun »
C’est un vrai diaporama. Qu’est-ce qu’elle avait comme moyens pour réaliser ça ! au départ : des objets qu’elle avait trouvés dans son grenier, beaucoup de cartes postales et de photos en noir et blanc… Ce qui lui fallait c’est une idée et je crois que ce qui fait la force de ce diaporama c’est l’idée. C’est pour ça que j’insiste tant sur l’idée. C’est l’idée d’utiliser au mieux un texte du chanteur pour se souvenir de son grand-père qu’elle ne connaissait qu’à travers les objets qu’il avait laissés. Pour elle, Verdun, ce n’était pas une ville, une place, un cimetière. C’était un endroit où on avait vécu, où on était mort, où son grand père s’était battu ; quelque chose d’actif et non pas de passif. Elle a su exprimer le dynamisme avec des objets passifs et grâce à cette chanson. Cette chanson, elle l’a utilisée dans son intégrité, mais elle y a quand même ajouté quelque chose. On rentrait trop vite dans le sujet, il fallait conditionner le spectateur à ce qu’il allait voir. Or la chanson dans le disque vient de façon très abrupte. Elle a ajouté au début, une partition au piano, qui n’est pas dans le disque de la chanson, mais qu’elle a bien choisi. C’est un fragment de « Tableau pour une exposition » de Moussorgski et c’est tellement bon qu’on croit que c’est dans la chanson. Si vous achetez le disque, vous n’allez pas retrouver ça. Ça lui a permis de présenter son générique et quelques objets pour créer l’ambiance, l’atmosphère du sujet traité. Cette musique a un réel effet d’attention qui est bien meilleur que tout ce qu’on pourrait raconter à la place. C’est déjà réussi.
Elle montre le chemin et vous allez la suivre. Elle avait beaucoup de photos noir et blanc. Ce noir et blanc exprimait trop la passivité et pas assez le dynamisme. On lui avait conseillé d’essayer des photos en couleur. Or les photos en couleur pendant la guerre de 14-18, ça n’existait pas. Alors, elle a coloré ses photos sur l’écran par des artifices. Par la magie du fondu enchaîné c’est-à-dire superposé les images, puisqu’on travaillait en deux projecteurs. Vous voyez la nécessité d’ajouter la petite pointe de dynamisme sous forme de couleur avec des documents qui à l’origine étaient forcément en noir et blanc, Jaune et parfois sépia très pâles. Les passer en cut est une autre façon de dynamiser les images.
Remarques sur le fondu enchaîné :
Quand Bernard Sanch disait que le diaporama comportait trois piliers, il parlait l’image, du son et du fondu enchaîné. Pour moi, le fondu enchaîné fait partie de l’image. C’est le pilier qui a trait aux yeux. C’est-à-dire la façon que l’on a de passer d’une image sur l’autre. C’est pour ça que j’ai préféré la force de l’idée plutôt que du fondu enchaîné.
Mais ce fondu enchaîné a quand même une certaine importance dans l’image. Vous avez vu que ces images, on peut les amener de façons différentes, ou on peut les mélanger quand elles sont mélangeables. Il y a des photos qui méritent d’être mélangées entre elles, mais d’autres non : elles doivent être passées en cut. Le cut, c’est l’instantané. On était limité dans les cut électroniques de nos fondus automatiques parce qu’il y avait l’inertie du filament de la lampe qui ne s’éteignait pas d’une façon rapide. Alors qu’avec des fondus manuels, c’était un obturateur qui coupait. Sur votre ordinateur, vous n’aurez pas ces problèmes, puisque vous vous pouvez faire des cut instantanés. Il n’y a pas de problème pour arrêter l’image avec le numérique dans son fondu à un moment précis.
J’ai oublié de vous dire que ce diaporama une terminé, j’ai amené Laure au Festival d’Epinal, au concours de la Coupe d’Europe. J’étais dans la salle, des gens n’ont pas demandé qui chantait la chanson, ils m’ont demandé qui était l’auteur de ce diaporama ! Et à la proclamation des résultats, si elle n’a pas eu la Coupe d’Europe, son nom venu tout de suite après « Un monde parallèle ». Le monde parallèle, il y a très peu de gens qui le connaissent. C’est un montage sur l’autisme.
Exprimer le mouvement :
En cinéma, on peut arriver à faire ces choses là, ça ne nous surprend pas et c’est noyé avec d’autres choses dans un certain dynamisme qui est différent qui est du dynamisme mécanique. Une impression qu’on n’éprouve pas devant des images fixes. Le cinéma est un autre mode d’expression audiovisuel qui utilise des images mobiles. Mais je vous conseille surtout de ne pas essayer de faire du faux cinéma avec des images fixes. Le cinéma démontre, le diaporama suggère. Dans le célibat, quand on entend la bruit du verre brisé, on n’a pas besoin de voir le verre tomber, il suffit de voir la petite pelle et le balais qui viennent de servir pour savoir que c’est le verre qui a été cassé. Le cinéma dispose du dynamisme, tandis que notre moyen en diaporama c’est la suggestion. Autrement dit, nous pouvons évoquer des mouvements, par du bruit ou par un certain fondu, mais aussi le rythme dans lequel on passe les diapositives qui vont exprimer un ralentissement ou une augmentation de vitesse, etc. Alors que le cinéma nous le montrerait.
A retenir :
Le cinéma montre et la diaporama suggère.
On peut également faire du dessin animé. Ça a existé avec « Valdabrin », « Un amour de gomme », « La prière »… C’est un compromis entre la bande dessinée et le dessin animé. Une bonne bande dessinée n’a rien à envier à un dessin animé, quand c’est bien fait. En diaporama on peut arriver à faire de la meilleure bande dessinée, puisqu’on a en plus du son que n’a pas l’auteur de bande dessinée et c’est pour ça qu’il y a des auteurs comme Mangin et Eymonnerie qui ont fait plusieurs Valdabrin jusqu’à 8 épisodes. C’est un personnage qu’ils avaient inventé, un farfelu appelé Valdabrin. À Epinal, la capitale de l’imagerie, ce Valdabrin était increvable. Il n’est mort qu’à la mort de l’auteur, Mangin. Ça a été le régal de pas mal d’organisateurs de spectacles.
Le pouvoir de la suggestion :
Par exemple sur une affiche, vous voyez un aspirateur, il n’y a pas de fil. Il y a juste un aspirateur, très chromé, très joli, bien brillant. Ça fait très net, ça sent la solidité et la propreté.
Cent mètres plus loin, une deuxième publicité pour aspirateur, d’une autre marque. Alors là, on aperçoit à peine l’aspirateur, ce que l’on voit c’est un bébé nu, sur une moquette bien propre et juste l’aspirateur qui apparaît à peine.
Deux marques ! Quelle est celle qui a vendu le plus d’aspirateurs ? C’est celle avec le bébé. Elle fait appel à l’idée de la maman pour qui le trésor n’est pas l’aspirateur, c’est le bébé. Il a une plus grande importance, donc il faut un aspirateur qui ne laisse pas de poussière. Vous ne verrez jamais dans une publicité d’électroménager un fil ! Pourquoi parce que le fil encombre. Son image suggère des complications : prise de courant difficiles ou inexistantes, leur branchement, l’obstacle du fil, etc.
Un autre exemple de suggestion et de concision. J’ai connu une époque où l’on appelait la publicité des réclames. Quand on allait voir un film au cinéma. on subissait sur l’écran une publicité : un train, la café qu’on transportait et puis une chanson sud américaine, on voyait moudre le café, on le voyait bouillir etc. Le publicité durait quarante, à quarante-cinq secondes une publicité. Dernièrement à la télévision on voyait une publicité de la même marque d’ailleurs : une simple tasse, un peu de vapeur, on ne voyait pas le buveur, on entendait la voix « Legal, le goût ». C’était une voix usée, éraillée, on la reconnaissait, c’était celle de Johnny Halliday. C’est tout. Elle a eu le premier prix de la publicité. Elle durait quatre secondes.
On se fout de savoir comment le café a été récolté. Ce qui compte, c’est sa saveur. Et puis ils ont payé cher Johnny. Il n’a pas dû faire ça à l’œil. Si il y a un gars qui a besoin de café, c’est bien lui. Et si ça fait de l’effet à lui, y a pas de raison que ça ne nous fasse pas de l’effet à nous. Alors c’est un bon café !
Pour résumer : l’image a un pouvoir de suggestion remarquable mais le son aussi.
Un détail : Le bruit d’une voiture.
Je ne pensais pas que ça pouvait évoquer chez les gens tout un tas de choses. Dans un diaporama, j’avais cru bon de mettre un bruit de démarreur. Je ne pensais pas à la force que pouvait avoir ce démarreur, parce qu’en plus, ce n’était pas n’importe quel démarreur, c’est le démarreur de la deux chevaux. Le démarreur de la deux chevaux à un bruit tellement particulier que des gens qui ont vu ce diaporama en Australie, quand je l’ai envoyé au Festival d’Adélaïde m’ont dit, « on a reconnu la deux chevaux ». Je l’aurais fait avec une autre bagnole, je ne sais pas si ça aurait eu le même effet.
Pour en revenir à l’idée de Laure de prendre une chanson. Méfiez-vous du revers de la médaille : On a tendance à prendre des grands succès. Si vous prenez un tube, qu’est-ce qui se passe ? Les gens qui l’ont entendu, une fois, deux fois, trois fois se sont déjà fait dans leur tête leurs propres images et vous leur en imposez de nouvelles. Ça ne va pas coller. Donc, pas de tube, autrement dit des chansons trop connues.
Qu’est-ce qu’une bonne chanson : c’est une chanson où le parolier a concentré en un minimum de paroles, un maximum de sentiments. Ensuite il a donné ça à un compositeur pour faire de la mélodie. Ensuite, il y a l’interprète. L’interprète qui va bien. Quelquefois, on en essai une douzaine avant d’en trouver un qui arrive à rendre ce que le parolier a voulu mettre et ce que le compositeur a ajouté. Ils se sont mis à trois pour réaliser quelque chose de très bon. Alors vous petit diaporamiste, vous allez essayer d’ajouter quelque chose qui devrait être encore plus fort que ça. Et si vous ne faites pas plus fort que lui, ce n’est pas la peine de le faire, parce que cette chanson est déjà évocatrice par elle-même. Si vous n’ajoutez pas quelque chose, le spectateur va suivre votre diaporama, « les yeux fermés ». Donc il va écouter Johnny Hallyday, ils va écouter la chanteuse, mais il fermera les yeux parce que vos photos gênent. Ça le contrarie un peu. Il faut ajouter quelque chose à la chanson, ce qui est souvent difficile. Donc prenez des chansons pas trop connues d’abord et qui soient à votre portée, dans lesquelles vous pourrez ajouter quelque chose. Il faut que votre diaporama ajoute. Si vos photos n’ajoutent pas à ce que l’on entend, ça n’est pas la peine d’essayer de faire un diaporama avec.
Mais ne vous découragez pas, il y a énormément de diaporamas qui sont faits avec des chansons.
Projection de « La soupe » :
Le montage « La soupe » dure 6 minutes. J’avais enregistré cette histoire, un jour où Jean-Pierre Chabrol (c’est un écrivain régional du coin), faisait une conférence au CRDP sur le roman régionaliste. Et quelqu’un lui avait posé une question : l’importance du souvenir dans la rédaction du roman. Lui n’avait pas prévu la question, mais Jean-Pierre Chabrol ne se démontait jamais. Il dit « Bon je vais vous raconter une histoire ». Il est rentré dans ses souvenirs et il nous a raconté les problèmes de soupe qu’avait son père. Quand j’ai entendu l’histoire, ce n’était pas son père que j’entendais, c’était mon père, parce que mon père avait les mêmes problèmes avec ma mère, pas pour la soupe mais pour le lapin sauté aux oignons. Et j’avais cru entendre mon père raconter cette histoire-là.
Quelques jours après, au club on faisait des projets de diaporamas. Je reprochais aux membres de l’AID de ne pas faire assez de diaporamas. Ils m’ont répondus qu’ils n’avaient pas de sujet. Alors j’ai dit, « J’ai une idée, si quelqu’un veut la réaliser… » J’avais apporté trois ou quatre sujets. Le choix s’est porté sur cette histoire de Chabrol. Ils voulaient la faire en commun.
Un an après rien. Un jour , je me suis fichu en pétard. « En deux heures je vous fait votre diaporama », « Chiche » ont-ils dit. Un dimanche après-midi j’ai commencé à deux heures. À quatre heures le diaporama était terminé., pas sous cette forme là. Je l’ai fait avec ce que j’avais comme photos. Et après, je suis allé dans le pays de Chabrol, j’ai réenregistré le texte. L’histoire racontée par Chabrol dure quinze minutes et il frappe sur la table pour bien ponctuer. Je l’ai réduite à six minutes. Quand il a vu le diaporama et entendu la deux chevaux il a dit « jamais tu ne me feras monter dans un truc comme ça ! À la rigueur une Dauphine mais pas la deux chevaux ! »
Présence des personnages :
Pourquoi je n’ai pas montré la grand-mère de Chabrol ? Parce que dans mon souvenir, c’était la mienne et que je n’allais pas l’imposer aux autres. Un personnage dans un diaporama, je suis contre. Quand on ne peut pas faire autrement, quand il a son importance du fait de son physique par exemple, là je pense à « Bichette » qu’avaient fait Pierre Lormier et Daniel Courren, sur le Salagou. C’était un personnage pittoresque que l’on surnommait Bichette. C’est un diaporama qui est très fort. Et bien sûr ça aurait été dommage de ne pas le montrer. Dans son physique, il est exactement ce qu’il est dans l’histoire : un personnage. Son physique vient renforcer les images.
Tandis que dans « La soupe » ça n’aurait servi à rien. Par contre vous les avez vus très certainement ces personnages. Lui qui raconte, c’est un enseignant, la quarantaine qui a un peu mal à l’estomac. Comment on voit ça en une seule image ? C’est que d’abord il lit une revue pédagogique, une paire de lunettes en écailles, donc la quarantaine, il commence à avoir les yeux fatigués. Il y a un cendrier, il fume la pipe ou la cigarette. Donc on voit bien le personnage. Par contre sa femme qu’est-ce qu’elle a : un livre de cuisine avec les ingrédients pour faire plaisir à son mari, pour pouvoir lui mijoter une bonne recette. C’est sa préoccupation. Pour la grand’mère : fauteuil, sabots en bois, laine à tricoter, magasine « Le pèlerin »…
Pour définir un personnage, souvent, une seule diapo suffit a le décrire, alors que quelquefois, il en faudrait plusieurs. Voyez donc le pouvoir évocateur qu’il faut que vous mettiez dans chacune de vos images.
Éviter les longueurs :
Il faut être succinct en diaporama. Il ne faut pas faire des diaporamas trop longs parce que vous barbez le spectateur et vous le fatiguez précisément parce qu’on lui demande un effort plus grand que celui qu’on demande à un spectateur de télévision ou de cinéma qui rattrapera toujours l’action. Pour un diaporama, vous lui demandez de faire un effort de décryptage. On a remarque qu’en diaporama, il y a des gens qui décrochent à 10 minutes, d’autres décrochent à 9 minutes, à 8 minutes. C’est fonction du sujet traité. C’est aussi fonction de l’âge et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les enfants tiennent d’avantage que les grandes personnes.
Quelquefois les gens décrochent aussi de la musique, quand celle-ci n’est pas appropriée. Donc vous voyez la force de l’évocation c’est pour ça que si vous demandez un effort trop long à votre spectateur, il va décrocher avant la fin. A tel point que dans les Festivals de diaporama les montages doivent être d’une durée maximum de douze minutes. Et maintenant j’ai remarqué qu’on décroche plus vite qu’il y a vingt ans. Pourquoi ? parce que les gens avec la télévision ont un esprit formé aux images et ils comprennent plus vite. La publicité est un modèle. C’est sûr que c’est enquiquinant, mais il faudrait que les diaporamistes s’astreignent à regarder avec attention les publicités. Ce ne sont pas les plus longues qui sont les meilleures, ce sont les plus suggestives. D’ailleurs les grands réalisateurs de publicités sont des grands réalisateurs de films. Une publicité par elle-même est déjà un concentré d’audiovisuel.
Projection : « Le célibat »
Un grand classique réalisé par un jeune ménage, Denis Gélin et son épouse. C’es certainement le diaporama le plus projeté en France. Le texte est très réduit mais le bruitage et les brefs extraits musicaux sont très expressifs. Les fondus lents et les cut aux moments opportuns ont un pouvoir de suggestion remarquable. Ainsi nous participons aux ennuis domestiques d’un célibataire.
On voit une succession d’images représentant des œufs en train de cuire Avec quatre images en fondu lent, il fait cuire deux œufs. Ce qui est le plus remarquable c’est le changement. Quand les œufs ont brûlé, le célibataire n’a pas besoin de nous dire que c’est immangeable. Brusquement on entend « Pam ! pam ! pam ! pam ! les premières notes de la cinquième de Beethoven et, apparaît en cut, une boite de cassoulet. Les œufs sont immangeables. Il n’a pas non plus besoin de nous dire que c’est un célibataire, parce que ce n’est pas la boite d’un kilo qu’il prend, c’est juste la boite d’une portion. Les gens dans la salle éclatent tous de rire. Ce qui prouve bien que huit cents personnes ont compris en même temps la même chose, c’est une force remarquable de l’image. Quatre images, deux œufs qui cuisent plus une boite de cassoulet, quatre notes de musiques (la cinquième de Beethoven), ça a suffit pour décider le célibataire à se marier.
|