Dire un texte

par Jacques Van de Weerdt

Travail, critique audace, par Jacques Van de Weerdt

« Dire un texte », me demanda-t-on, où est le problème ? Il suffit de trouver, soit un comédien professionnel (ce qui est la solution la meilleure mais la plus coûteuse) soit de dire le texte soi-même et puis voilà.

Eh oui voilà. le drame ! Bien des auteurs qui n'ont pas trop mauvais accent, se contentent de lire correctement (ou de faire lire correctement par la fille d'une de leurs amis) le texte de leur diaporama. Et pourquoi pas dans le fond ?

Je suis tout à fait d'accord avec cette démarche : nous sommes des amateurs, et il est normal que nous réalisions nous-mêmes nos bandes son à moindre frais. Tâchons de bien le faire. Ce n'est pas trop difficile. Mais beaucoup ne savent pas qu'il est possible de travailler sa diction. Et cela sans être passé par un conservatoire d'art dramatique. Voici quelques conseils pour entrer dans ce travail.

Travailler sa diction :

D'abord, il ne faut pas croire que les comédiens professionnels trouvent tout de suite le ton, le rythme des ouvres qu'ils doivent dire. Ils travaillent leurs textes. Comment ? De nombreuses lectures, au micro si possible, pour s'entendre et se corriger, bien sûr mais aussi pour s'habituer aux conditions de l'enregistrement et l'optimiser au niveau technique : mise au point de la bonne distance bouche-micro ; savoir ce tourner lorsque l'on crie, éviter les bruits de salive, de pages tournées etc.

Mais aussi, j'insiste, de nombreuses lectures avec réécoute critique, et même prises de notes si l'on veut. Et en cela, il y a des découvertes à faire. Beaucoup pensent qu'ils peuvent bien dire un texte en le lisant d'emblée ou à le deuxième ou à la troisième fois !

Erreur. Faites l'expérience de conserver l'enregistrement de votre première lecture, puis de lire vingt fois un même texte, en vous concentrant dessus, en cherchant à en souligner les intentions, en créant des temps, des respirations, en variant les rythmes du débit, en jouant sur le volume si le texte le justifie. Ce faisant, peu à peu, on s'aperçoit que le texte (presque n'importe quel texte) est un univers profond de nuances qui ne se laissent découvrir que progressivement. Que la pensée de l'auteur ne se laisse pas saisir dans sa totalité tout de suit, qu'il faut méditer, l'interroger parfois. En fait, comprendre en profondeur les intentions de l'auteur.

Après cela, payez-vous le plaisir de réécouter la première bande, je vous garantis un moment de bonheur !

Quand l'auteur dit ses propres textes

Plus fort : ce qui vient d'être dit reste vrai quand c'est l'auteur lui-même qui lit ses textes. Une première preuve en est de se souvenir des grands auteurs littéraires lisant leurs ouvres. Quelle pauvreté d'expression vis-à-vis des comédiens qui les interprètent par la suite !

Car si, pour ce qui est des idées, l'auteur connaît forcément son texte, il n'est pas sûr qu'il trouve tout de suite la forme de sa diction. Rythme, volume, temps. Il faut chercher quel est l'habillage vocal qui soulignera au mieux le contenu.

De plus, on peut remarquer qu'une phrase, qui se lit sans problème, se dit parfois difficilement : dissonance de certains mots, éloignement sujet-verbe, trop grande longueur de la phrase. Bref, il faut toujours tester un texte à voix haute avant de le fixer.

Une technique que j'applique de plus en plus souvent : je rédige un texte de diaporama ; puis je l'enregistre après une dizaine d'essais ; je ne pose ni musique ni bruitage ; je le synchronise sur mes diapositives. Ce faisant, je suis obligé de réécouter ma bande un grand nombre de fois. et d'y noter tous les défauts ! une fois la synchronisation effectuée, je repars à zéro en recommençant ma bande son. A ce moment, le texte subit une série de petites modifications, et la manière dont je le dis change encore, car je connais les dias et parfois, cela peut influer sur la diction.

Vers la perfection :

Une crainte à lever. J'ai parfois entendu des lecteurs dire à la quatrième ou la cinquième prise « O.K., c'est parfait, je ne pourrais jamais faire mieux, n'effacez pas ça ! ». Bref, le chef d'ouvre est pondu, le hasard, les taches solaires on fait que cet instant fut miraculeux ! Mon expérience me fait penser le contraire : qu'on dise un texte quinze fois, ce sera la quinzième la meilleure. Qu'on le dise trente fois, ce sera la trentième. Bien sûr, la fatigue, l'énervement peuvent faire qu'on soit, momentanément incapable de continuer à travailler. Mais qu'on se rassure, le texte que l'on a dit vingt fois, on le possède en soi et quand, le lendemain, reposé, on se met au micro, la vingt et unième fois sera encore meilleure ou tout au moins égale. Mais pas plus mauvaise. Il est aussi certain que les progrès suivent une courbe « asymptomatique » et que cela varie avec les personnalités. Il y a un nombre « utile » de répétitions à faire, au-delà de quoi, les progrès sont imperceptibles. À chacun de trouver ses limites. Mais la paresse en général, décide avant nous !

Autre conseil : le test sur les autres. J'ai constaté parfois que certains défauts, certaines tournures de voix, certains rires ne sont pas admis par le public, alors qu'en répétition (qu'on répète soi-même ou qu'on fasse répéter un autre) tout semble bien se passer. Il faut admettre cela et s'y attendre. Et ne considérer une bande comme définitive que lorsqu'elle a été entendue par plusieurs personnes étrangères au travail en cours. De toute manière, ce principe est également vrai pour le diaporama dans sa totalité. Et je soumets toujours mes montages à quelques amis « de bon conseil » et aux membres de mon photo-club, avant de les lancer sur les routes de France et de Navarre.

(extrait de reflets)